Je me suis laissé tenter par la création d'un blog qui servira, à de rares moments, peut-être moins rares au fur et à mesure que le temps s'écoule, à mon imagination et à des fins plus... ou... moins... Enfin !... à des fins plus ou moins...
mardi, septembre 26, 2006
mardi, août 22, 2006
La Réunion : les couleurs de l'Ilet à Cordes
Aux confins de la République (6/6)
La Réunion : les couleurs de l'Ilet à Cordes
LE MONDE 19.08.06 15h47 " Mis à jour le 21.08.06 15h46
Au village de l'Ilet à Cordes, deux hommes à la peau de feu et aux yeux d'eau discutent,
assis sur une pierre, sans autre mouvement que celui de leurs lèvres. Une vieille femme
bistrée console avec des mots cajoleurs un petit blondinet qui pleure. Deux voisins se
croisent et se lancent le salut atone de ceux qui se rencontrent dix fois par jour, depuis
des générations.
La rétine enregistre les scènes comme au ralenti. Une voiture passe et réapparaît aussitôt dans l'autre sens. L'Ilet à Cordes, 470 habitants, est au bout de la route. Une longue chaussée qui monte depuis la côte, tournicote pendant 40 kilomètres et 400 virages jusqu'au bourg de Cilaos, puis sinue encore sur 10 kilomètres à flanc de falaise, sous la menace permanente des éboulis, pour atteindre le village. A 1 000 mètres d'altitude, son plateau aux pentes douces se cabre ensuite en reliefs abrupts. Il faut de bons mollets pour explorer plus avant le cirque de Cilaos et son voisin, le cirque de Mafate.
Tous azimuts, le regard se heurte au cercle des montagnes, dont le piton des Neiges,
point culminant de la Réunion, à 3 069 mètres. La vue s'échappe vers le bleu de l'océan
Indien par une unique faille géologique.
Porte ouverte sur le décor grandiose et le pèlerin de passage, France Rivière, 84 ans,
feuillette un catalogue de vente par correspondance : "Les habitants ont de la chance
aujourd'hui, ils ont tout sous la main." La vieille dame est la mémoire de l'Ilet.
Elle est aussi chargée des relevés pluviométriques. En 1949, jeune femme déterminée, elle
avait ouvert une bibliothèque de prêt dans le village encore largement marqué par
l'illettrisme. Elle transportait sur sa tête les livres depuis Cilaos. Cette dévotion à
la littérature lui vaut aujourd'hui d'être chevalier des Arts et des Lettres.
France Rivière évoque le "temps lontan", le temps d'avant, quand le village vivait
encore en autarcie. On y accédait par des chemins que les habitants arpentaient nu-pieds.
Les visiteurs fortunés, qui montaient prendre le frais et les eaux, préféraient la chaise
à porteurs. Jusqu'aux années 1960, l'anachronique équipage servait encore aux femmes
enceintes.
Même le progrès a ahané pour venir jusqu'ici. La piste a été ouverte en 1973 et le bitume
posé à la fin des années 1980. "L'eau est arrivée en 1969, la télévision - un unique
poste à batterie - la même année, l'électricité à Noël 1979 et le téléphone en 1987",
égrène France Rivière.
L'isolement a longtemps été la raison d'être du village : la disgrâce venait s'y cacher.
Comme la Réunion a servi de refuge aux misères du monde entier, l'Ilet à Cordes a servi
de refuge aux misères de la Réunion. Seuls les infortunés que n'encombraient ni bedaine
ni balluchon ont pu gravir ses pentes redoutables, montant toujours plus haut à la
recherche de terres, jusqu'à se retrouver coincés dans ce cul-de-sac.
Les premiers habitants furent, au XVIIIe siècle, des esclaves en fuite, les
"marrons". Un jeu de cordes permettait de se hisser jusqu'à cet "îlet" ou hameau, lui
attachant son nom. Ces hommes et ces femmes payaient cher leur liberté : la faim et
l'impitoyable traque des chasseurs décimaient leurs rangs. Après l'abolition de 1848,
d'anciens esclaves sans ressources sont à leur tour venus défricher les champs de lave.
Parallèlement, de petits propriétaires ruinés ont fait le même chemin. "Dès le milieu
du XVIIIe siècle, la population blanche était déjà largement pauvre. C'est une
spécificité réunionnaise qui aura son importance", explique Manuela Lesage, 31 ans.
Cette juriste anthropologue étudie depuis deux ans et demi les conflits autour de la
terre à l'Ilet à cordes. Les chamailleries autour de quelques arpents sont un point de
vue idéal pour jauger cette société agricole de subsistance. Le "colonat", proche du
métayage, s'y est pratiqué longtemps : les loueurs reversaient un tiers de la récolte aux
propriétaires.
Le grand-père de France Rivière a commencé ainsi, à la fin du XIXe siècle.
Habitant plus bas dans le cirque, il a semé la lentille et l'oignon pour le profit d'un
autre. Puis le père s'est marié en 1912 et a construit sur place une modeste case.
"Les temps étaient durs, c'était la grande misère", se souvient France. Les
ventres sonnaient souvent creux.
COHABITATION
Poussés là par une commune nécessité, noirs et blancs ont appris à cohabiter. Des règles
sociales complexes se sont établies entre les anciens maîtres et les anciens esclaves.
"Madame Rivière" explique : "on se rendait visite, on s'invitait pour les grands
événements, on faisait la fête, mais on ne dansait pas ensemble. on se serrait la main,
mais on ne s'embrassait pas. Petite, mon père m'interdisait de faire la bise à un homme à
la peau noire."
Dans cet entrelacs de solidarités, de non-dits et d'interdits, les mariages mixtes
n'étaient évidemment pas acceptables. mais cette règle d'airain n'a pas résisté à la
promiscuité géographique et sociale. "Avec l'appauvrissement des colons, il n'y a plus
eu de hiérarchie entre blancs et noirs et, du coup, la barrière de la couleur n'a plus
été infranchissable", explique l'anthropologue Jacqueline Andoche, 50 ans, qui a
travaillé sur les populations des "hauts".
Gérard Rivière, le neveu de France, confirme en montrant son épiderme boucané : "Il y
a bien eu du mélange quelque part, je suis là pour en témoigner." Cet homme de 40 ans
se décrit comme "un blanc basané". Il parle de ses "racines bretonnes" et
se revendique également "descendant d'esclave". Sa femme est, elle, issue de
l'union entre une Blanche et un Indien. A côté, leur fils s'amuse à faire des tours de
magie. Sa peau indéfinissable semble elle-même sortie d'un miraculeux chapeau, celui du
métissage.
Gérard Rivière est parti un temps étudier et travailler sur la côte. "Mais j'aimais
trop mes montagnes", soupire-t-il.
Il a repris l'exploitation agricole familiale, s'est lancé dans le maraîchage bio. Il est
légitimement fier de son vin. Il a également fondé une association de sauvegarde du
patrimoine. Il passe pour une forte tête. "On a toujours considéré les gens d'ici
comme des êtres inférieurs, dont il n'y avait pas à prendre l'avis parce qu'ils étaient
pauvres. Mais moi, je suis fier que le cirque de Cilaos ait été une terre d'accueil pour
les déshérités. Ici, il n'y a pas eu de dominant et de dominé. C'est pour cela que nous
avons réussi à vivre en harmonie. Mon père m'a appris à respecter la personne d'en face
et j'inculque cela, à mon tour, à mon fils."
LES RESSORTS DE LA MIXITÉ
Fief affiché des "petits Blancs des Hauts" mais aussi foyer clandestin de mélanges,
l'Ilet à Cordes résume assez bien les ressorts de la mixité à la Réunion. Dans l'île
comme dans l'îlet, l'histoire est faite de vagues d'immigrants impécunieux brutalement
transplantés dans un territoire jusque-là vierge. Colons français, esclaves malgaches ou
africains, "engagés" venus des Indes travailler dans les champs de canne après
l'abolition, petits boutiquiers débarqués de Chine ou d'Inde, ont fait un aller sans
retour vers ce rocher perdu de l'archipel des Mascareignes.
L'éloignement du pays natal, la diversité des origines et l'exiguïté des lieux - bref, la
nécessité - les ont ensuite amenés à composer. "La construction s'est faite par la
force des choses. Chacun s'est fait une place", explique l'historien Laurent Hoarau,
32 ans. "Nos ancêtres, sans exception, ont tous été des étrangers à la Réunion",
expliquait récemment Paul Vergès, président du conseil régional. Ce qui n'empêchait pas
le racisme, tant ce sentiment reste irrationnel.
A sa descente de bateau, chaque nouvel arrivant a subi le dénigrement. Il a essuyé le
"moucatage" (la raillerie), une des soupapes de la société réunionnaise. Mais,
puisqu'on ne pouvait le jeter par-dessus bord, on s'est serré. Il a encore dû patienter
des décennies pour obtenir sa naturalisation. Il a mis à la table commune son plat
national. On lui a laissé sa religion pour sauver son âme et ses traditions quand elles
ne dérangeaient personne. Il a en revanche abandonné sa langue mais en a glissé quelques
mots dans le créole pour signaler sa présence. Il est devenu français, réunionnais,
créole, mais est resté, pour mémoire, "yab" ou "petit Blanc",
"cafre" (Noir), "malbar" (indien hindouiste), "chinois" ou
"zarab" (indien musulman).
LABORATOIRE
j'allais en classe avec des Noirs, des Blancs, des Chinois et je retrouvais mes
semblables à l'école coranique. J'étais étiqueté "zarab" et c'était pour moi naturel.
c'était mon héritage culturel. Mais je me suis toujours senti réunionnais. je considère que
l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage appartient à mon histoire. Que Noël, le
dipavali (fête hindoue) ou le nouvel an chinois font partie de ma culture, comme
l'aïd." Son arrière-grand-père est arrivé, au début du siècle, du Gujarat, et s'est
imposé dans le commerce, comme beaucoup de membres de cette communauté. Bachil Valy s'est
installé en 1985 à l'Entre-Deux, un bourg des hauts semé de jolies cases créoles. Les 6 000
habitants sont principalement des petits Blancs.
En 2001, les électeurs ont pourtant porté le "zarab" à la tête de la municipalité. "Mon
intégration, ici, s'est faite naturellement. mais ça s'est gâté quand je suis entré en
politique. La campagne électorale a beaucoup tourné autour de mon identité, du rejet d'une
communauté plutôt que d'un homme." Le candidat a cependant été élu. "Aussitôt, je
n'ai plus eu de souci. J'ai été respecté dans mes fonctions."
Lors d'un congrès à Paris, Bachil Valy s'est laissé dire qu'il était le seul maire musulman
de france, hors Mayotte. Il en est fier, comme d'une réussite individuelle et collective.
L'île avait déjà la plus ancienne mosquée du pays, celle de Saint-Denis, édifiée en 1905.
"Notre mixité est un modèle, un laboratoire dont on peut s'inspirer ailleurs dans le
monde", dit-il.
Un laboratoire : le généticien François Cartault y a pensé, après trente ans passés à
soigner des patients de toutes origines et à découvrir des mutations rares qu'on ne
retrouve qu'au Cameroun ou au Natal. En 2003, ce scientifique a entrepris une recherche
auprès de 600 volontaires issus des différentes communautés. Il a effectué sur chacun un
prélèvement d'adn.
Le dépouillement n'est pas encore achevé, mais les premiers résultats apportent une
nouvelle preuve par les gènes du brassage des populations. "C'est un endroit unique au
monde pour sa diversité. le mélange s'est fait d'emblée. chez les petits blancs, par
exemple, on trouve des influences africaines beaucoup plus importantes que ce qu'on a pu
dire." Comme pour rappeler que les femmes des premiers colons blancs, au milieu du
XVIIe siècle, étaient des esclaves de Madagascar.
Les Réunionnais appartiendraient donc largement à la seule composante qui n'existe pas
officiellement dans l'île : les métis. La loi républicaine interdit de mesurer le poids
respectif des communautés. Mais, finalement, quelle valeur aurait un tel découpage au vu de
l'imbroglio génétique que révèle à François Cartault un simple échantillon de salive
?
L'affichage ethnique est dès lors plus de l'ordre du ressenti que du réel.
"L'appartenance dépend un peu du nom de famille, un peu de la couleur, un peu du lien
généalogique. il est un peu déterminé par la société, un peu fonction du choix de
chacun", explique l'ethnologue Emmanuel Souffrin. Installé depuis vingt ans dans l'île,
ce métropolitain anime notamment des séminaires sur la connaissance de la réunion. Il
constate, comme François Cartault, le travail des insulaires sur leurs origines. Les jeunes
générations se montrent les plus avides. la pauvreté avait poussé les aïeux vers le creuset
créole, la relative prospérité actuelle incite leurs descendants à un retour imaginaire.
"Les gens veulent savoir d'où ils viennent", constate François Cartault.
RETOUR AUX SOURCES
Un musée des civilisations est en projet pour assouvir cet appétit. Les recherches
généalogiques se multiplient. Les sites Internet communautaires fleurissent. "Rasine Kaf"
(Racines noires), une association créée en 1998, travaille sur la mémoire africaine et
malgache. "La recherche est culturelle, non politique", assure Manuela Lesage, qui
en est membre. Les jeunes Chinois s'investissent dans des fêtes traditionnelles
négligées, comme le Guan Di. La culture tamoule connaît un regain. Apparaît également un
islam fondamentaliste, venu des caves de métropole et des madrasas du Pakistan.
Ce phénomène de retour aux sources a été baptisé "communalisme". Pour ne pas dire
"communautarisme". "Toute la discussion est de savoir si cela menace ou non le
fondement de la société créole", se demande Emmanuel Souffrin. Bachil Valy, lui, ne
s'en inquiète pas : "Le problème des banlieues en métropole tient pour beaucoup à la
perte d'enracinement. Il faut se connaître, se respecter soi-même pour respecter les
autres." Les tentatives de récupération politique ont, jusqu'à présent, échoué à la
Réunion et, quand un démagogue lorgne une clientèle ethnique, ses adversaires n'ont aucun
mal à lui opposer ses ascendances bigarrées.
"Trop mélangé, trop tard", assure François Cartault. Un samedi après-midi dans les
rues de Saint-Denis confirme ce verdict. Toutes les complexions y sont représentées,
comme un nuancier de l'humanité. Les jeunes gens ne se cachent plus pour vivre des amours
métissées. Emmanuel Souffrin, en bon ethnologue, explique qu'"il y a les codes, et
l'interprétation des codes". De cette interprétation déviante, buissonnière, est
aujourd'hui issu un improbable kaléidoscope. "Le monde est réunionnais", affirme
un slogan, sans excessive forfanterie.
Et la palette ne cesse de s'enrichir. Des émigrés venus des Comores ou de Madagascar
affluent aujourd'hui. Ils subissent les remarques malveillantes, comme avant eux tous les
primo-arrivants. "Comores déor", lit-on sur certains murs, comme on lisait, il y a
vingt ans, "Zorèy déor" à l'intention des métropolitains.
Même ces derniers finissent par s'intégrer. Contrairement aux autres strates, ils
arrivent souvent par le haut de la société. Au début, ils s'enferment entre eux dans les
villas de Saint-Gilles, la grande station balnéaire. Parce qu'ils sont en France, ils se
croient en pays conquis. Et puis ils se dissipent dans la population, se retrouvent à
cuisiner le cari. Ils étaient venus pour cinq ans et y sont encore après vingt années.
Leurs enfants se mettent à dire "moin" (je) et "néna" (il y a) dans la cour
de récréation, comme les vrais insulaires qu'ils sont devenus.
LE CRÉOLE, "NOUT LANG"
Tant, à la Réunion, manier le créole est le premier signe d'appartenance insulaire.
"Nout lang" est omniprésente dans la rue et dans les familles. L'humour, ici, ne
peut se concevoir qu'avec cette syntaxe tourneboulée et ces mots piratés. "C'est le
lien social, un marqueur d'identité. Cette langue est née pour intégrer. Elle est
porteuse d'un rapport à l'autre, d'un découpage du monde", estime l'écrivain Axel
Gauvin, 62 ans, président du tout nouvel office de la langue créole, qui milite notamment
pour son enseignement.
De tradition orale, le créole est par essence, par naissance, égalitaire puisqu'il a
servi à la communication entre les maîtres et les esclaves. Selon l'historien Laurent
Hoarau, "on trouve les premières traces dans des procès-verbaux d'esclaves au début du
XVIIIe siècle". Le français, langue de l'administration et de l'éducation,
est plus élitiste. "Le français hiérarchise, le créole unifie", résume Axel
Gauvin, qui peut comparer ces langues pour les manier alternativement dans son oeuvre
romanesque, théâtrale et poétique.
Or le créole est aujourd'hui malmené par le français, plus adapté à la modernité qui a
saisi l'île depuis trente ans. Au-delà du militantisme linguistique, Axel Gauvin redoute
que cette substitution ne soit porteuse d'un bouleversement social. Ce que confirme
Gérard Rivière, le paysan de l'Ilet à Cordes : "Si vous m'ôtez le créole, vous faites
de moi un cul-de-jatte à qui vous dites : "Lève-toi et marche !" Le créole
est la langue commune adoptée par tous les peuples qui ont échoué ici. Il faut le
conserver."
Alors le métissage peut-il se poursuivre en français ? La question vaut à la Réunion et
plus encore en métropole. En visite dans l'île, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur,
a vanté les mérites du modèle local. Quelle revanche ! Après avoir expédié dans l'océan
Indien ses gens de peu, prostituées, mendiants, paysans sans terre, artisans sans labeur,
y avoir séquestré des esclaves et exploité des Indiens miséreux, la vieille France imbue
de sa supériorité se retrouve confrontée aux tiraillements communautaristes. Elle ne sait
comment bricoler sa société multiculturelle et comment fixer les seuils de tolérance. Et
voilà qu'elle se tourne vers cette île oubliée où un ramassis d'indésirables ont su
trouver depuis longtemps une manière de vivre ensemble. Car, au fond, comme l'explique
Gérard Rivière : "Ici, on n'est pas tous pareils, mais qui ça dérange ?"
FIN
BENOÎT HOPQUIN
CHRONOLOGIE
RÉUNION
9 500 kilomètres de Paris, 2 500 km2,
700 000 habitants.
1638 : installation des premiers Français.
1649 : la Couronne annexe l'île Bourbon et en confie la gestion, en 1664, à la
Compagnie des Indes. Début de l'esclavage.
1793 : l'île est rebaptisée la Réunion.
1848 : abolition de l'esclavage.
1860 : campagne massive d'engagement d'immigrés indiens.
1946 : département.
1982 : région.
Article paru dans l'édition du 20.08.06